Les comités territoriaux de la FFME qui sont les organes opérationnels de proximité pour assurer les missions de la FFME ne peuvent pas rester silencieux après les divers articles parus dans la presse spécialisée dont certains s’apparentent plus à un réquisitoire qu’à une enquête journalistique sur les questions de responsabilités, d’assurance, de pérennisation des sites naturels d’escalade et du projet de résiliation de l’ancien modèle de conventionnement. J’exprime ici en accord avec le CT38 une réponse. Je tiens à remercier les revues qui ouvrent leurs pages à cette lettre.
Alors oui, en privé, les auteurs de ces articles, des bons copains parfois, nous disent que ce n’est pas nous, acteurs de terrain, qui étions visés car on fait un « super boulot » dans nos départements mais c’est la fédération au niveau du national qui est incriminée.
Ouf ! Nous sommes réconfortés, on a craint que les plusieurs centaines de milliers d’heures passés bénévolement par nos licenciés, nos clubs, aux côtés de nos techniciens salariés à équiper des centaines de sites, gratter, purger des kilomètres de rocher, parlementer, négocier avec les propriétaires, rencontrer les élus, participer aux commissions, groupes de travail, à défendre, préserver, s’opposer aux différentes restrictions contre notre activité, à rechercher, développer des financements, à informer, former les pratiquants, à promouvoir l’escalade en site naturel dans nos territoires n’aient servi à rien et soient effacées des compteurs.
C’est bien cela le vrai bilan de la fédération pour les SNE. La politique fédérale en matière d’escalade repose sur les sites naturels, le développement des SAE et la compétition, les revues spécialisées ont ainsi du contenu à proposer à leurs lecteurs.
Ce « détail » semble avoir été oublié dans les différents articles ou réactions publiés récemment. D’ailleurs remarquons que ces revues se font échos, omettent les mêmes points tout en exacerbant d’autres arguments, on aurait aimé plus de nuances et de diversité dans le traitement du sujet par le milieu très grenoblois de la presse spécialisée.
Tout n’est pas faux dans ces publications, mais l’orientation univoque et le « bashing » outrancier posent question. Nous sommes donc confrontés à une tourmente. Nous craignons de voir notre sport amputé d’une partie de ses terrains de jeu, d’être privés ou limités d’escalade, les réactions s’embrasent, c’est compréhensible car tous les amoureux du rocher sont révoltés par cette menace de privation d’une liberté qu’est la pratique de l’escalade en site naturel.
Alors, il faut des responsables, des fautifs ! Les prophètes à posteriori ont le beau rôle, on recherche la solution providentielle et comme pour le covid 19, le catastrophisme médiatique est de mise. Tout cela est d’une inutilité incroyable et dessert encore plus notre loisir préféré.
C’est ici une réponse globale aux différents articles, nous allons essayer de faire court sans détailler de nouveau les faits connus, conserver un fond d’autocritique indispensable (à tous !) et ouvrir des perspectives.
Depuis l’affaire de Vingrau et globalement une judiciarisation progressive de l’accidentologie, les conventions historiques pour la gestion des sites ont montré le danger financier et juridique qu’elles représentent pour le gestionnaire associatif qu’est un club ou une fédération.
Ainsi depuis 2017, un autre modèle à été mis en place par la FFME, il repose sur une réalité très répandue en accord avec le droit français ; la collectivité garde la responsabilité de « la chose » et se couvre grâce à des contrôles et des contrats d’entretien lorsque cette garde s’accompagne d’un risque lié à une défaillance de l’équipement (exemple : panier de basket, routes…).
Depuis 2017, nous savons donc qu’il faut transformer les anciennes conventions et le national nous sollicite périodiquement. Déjà pour un certain nombre de sites anciens et tous les nouveaux, c’est chose faite, mais il en reste encore beaucoup et bien évidemment ce changement peut inquiéter le propriétaire public ou privé et faire naître des situations de blocage plus ou moins durables par endroit.
La lettre de Pierre You :
Il faut noter la grande maladresse de la communication dans un contexte sanitaire qui tend les personnes et les fait réagir vivement. Ce courrier a été ressenti comme un autoritarisme vertical et opportuniste, on en mesure les conséquences en termes d’image !
Quelques points à préciser : Cette décision du conseil d’administration aurait dû être validée en AG, ce qui n’était pas forcement acquis, un sujet aussi important méritait un véritable débat et non pas une décision pris à la va vite. J’affirme que ce n’est pas à une équipe sortante qui n’a pas su vraiment résoudre le problème et qui ne fait sans doute plus l’unanimité, de prendre une telle décision maintenant.
Ce sera la mission d’une nouvelle équipe présidentielle que de préserver nos sites. Elle pourra s’appuyer sur les comités territoriaux en travaillant plus collectivement.
Philippe Bugada suggère de lancer des états généraux pour les SNE en y associant tous les acteurs et partenaires, c’est une très bonne initiative qu’il faudra mettre en place.
Aujourd’hui, il nous reste du temps car l’assureur a laissé un délai (fin 2021) et nous avons demandé un moratoire jusqu’en 2022. Si nous savons qu’à moyen terme, en l’état actuel du mode de licenciation, la situation ne sera pas tenable avec ces conventions de 1ère génération, nous avons tout de même un certain répit pour réfléchir à tout cela.
Il y a des réalités incontournables que nous ne changerons pas dans un intervalle de temps réduit pour un sujet si « futile ». Tout d’abord, il y a le droit français autour de la propriété privée, de la responsabilité et de la réparation faite aux victimes, même quand le sénat pousse pour assouplir le principe de la « responsabilité sans faute », les députés bloquent. Ensuite, le modèle français de l’organisation du sport articulée autour des fédérations et pour lesquelles l’état délègue de plus en plus des missions qu’il assurait avant. Ce paysage réglementaire ne changera pas pour les beaux yeux de la grimpe.
Les 2 autres fédérations qui gèrent quelques sites (FFCAM et FSGT), font-elles mieux ? Elles font appel à leurs bénévoles, comme nous ! Espérons qu’elles ne soient jamais confrontées à des accidents du type de Vingrau ou plus graves encore.
L’exemple de « Greenspit » est montré par certains comme un modèle idéal, une solution providentielle qui permettrait d’échapper aux réalités qui nous torturent actuellement. C’est sans aucun doute un super club qui agit sur le terrain, communique efficacement auprès des grimpeurs et a développé de bons réseaux dans le milieu, personnellement, j’applaudis mais la portée reste très limitée. D’ailleurs, en quoi échapperait-il au droit et à la réglementation ? La Présidente engage-t-elle sa responsabilité en prenant la pleine garde de Mollans sur Ouvèze ou tout simplement en assurant au maire que la falaise sera bien entretenue ce qui est un contrat tacite d’entretien et donc le nouveau modèle préconisé par la FFME ?
Il y a 35 ans, nous avons créé l’escalade club de l’Isère. C’était à peu de choses près le même modèle, les mêmes intentions sauf qu’à l’époque nous prêchions dans le désert, nous n’avons pu gagner en efficacité qu’à l’intérieur de la FFE et FFM regroupées. Beaucoup d’actuels présidents départementaux des grands départements riches en sites naturels, figures charismatiques de la grimpe en SNE, ont développé de manière incroyable les falaises dans leur région, ils ont tracé le chemin sans arrogance mais avec détermination. Soyons réservés, ne nous emballons pas avec des choses qui fonctionnent ici ou là mais se heurteront ailleurs à des refus.
Site Sportif : milieu non spécifique !
C’est un choix qui avait suscité de vives réactions mais malheureusement a été adopté. Il reposait sur l’idée de rassurer et ainsi de rendre plus facile l’accès à nos falaises pour les scolaires et les jeunes des clubs avec un mode d’encadrement moins contraint. Bien qu’étant également professeur d’EPS et ayant amené quelques générations d’élèves grimper dehors, j’ai toujours considéré que c’était une erreur! Je n’ai jamais compris quelle analyse avait fournie la Direction Technique Nationale aux élus pour qu’ils aillent dans cette direction. Au regard des problèmes actuels et de la désertion progressive des scolaires du milieu naturel, nous devons faire marche arrière et sans doute limiter cet « environnement non spécifique » aux sites « découverte » dont les caractéristiques s’apparentent à du mur d’escalade. Il faudra en étudier la faisabilité et peut être ferrailler avec des intérêts qui ne sont pas les nôtres.
Le rôle de la puissance publique :
C’est le grand oubli des rédacteurs des divers articles, la FFME est accablée et vue comme la seule responsable de la situation actuelle. Au regard du nombre de pratiquants hors licenciés (plus de 1 million en SNE, soit 10 fois plus) les sites sportifs d’escalade sont de fait un bien commun, un équipement « outdoor » tout public qui devrait être pris en compte par les collectivités (communes, Communauté de commune, département, région) à travers la participation au financement, la garde légale du site, voire l’acquisition foncière à des privés. Certaines le font (département de l’Isère entre autres), des maillages se mettent en place entre elles et d’autres s’en sont dégagées totalement et ce malgré l’obligation légale faite aux départements de gérer un PDESI.
Les médias auraient été en droit de souligner ces défaillances, voire montrer du doigt les mauvais élèves, les politiques sont attentifs à leur image. Mais pour cela, il aurait fallu faire un vrai travail d’investigation auprès des collectivités.
Pour autant, une implication accrue des collectivités ne doit pas dédouaner le grimpeur de participer à cette couverture assurantielle et au financement des sites. Beaucoup n’hésitent pas à payer 400€ pour un abonnement en salle.
La professionnalisation de l’équipement :
Lorsqu’un comité signe un contrat d’entretien avec une collectivité, son président doit s’assurer que les interventions sont réalisées en respectant les règles de l’art. A ce titre « professionnalisation » signifie avant tout montée en compétences des équipeurs. Pour une très grande majorité de falaises l’entretien est réalisé par des équipeurs bénévoles, des clubs. Il est fait appel à des professionnels pour les cas où nous n’avons pas les ressources en interne, ça concerne des sites « utiles » mais ingrats et sans retours glorieux, bref le genre de falaises qui ne figurent jamais dans les canards !
Ce fonctionnement général permet une puissance d’action importante pour des coûts de réalisation très raisonnables incomparablement inférieurs à ceux d’entreprises privées.
Nous défendons également âprement l’idée qu’ouvrir une voie en site naturel est un geste sportif au même titre que de grimper et fait partie de l’essence même de l’activité. L’ouverture industrielle serait un appauvrissement.
Pour toutes ces raisons, les CT FFME, qui gèrent des sites dans leur territoire veulent en garder la maîtrise : création, ouverture et entretien. Affirmer le contraire est un mensonge !
L’accès aux falaises :
Deux questions sont restées sans réponse, la présidence de Pierre You a botté en touche, mais a-t-elle été vraiment aidée par son équipe ?
Les SNE en libre service ? Tous les « non licenciés » accèdent librement aux falaises gérées par la FFME qui sera redevable en cas d’accident (les cas récents entre autres). Plus d’un million de grimpeurs en SNE pour 100000 licenciés qui doivent en supporter le risque. Un gestionnaire peut tout à fait réglementer l’accès s’il le juge souhaitable, c’est également le moyen de faire évoluer les mentalités chez les pratiquants et les politiques.
Certains diront « c’est sa mission », il est interdit d’interdire ! Sûrement et dans l’absolu je souscris, mais à condition que la puissance publique tienne son rôle et assume ses responsabilités à minima !
Alors on parle de licence «coca cola» des falaises, sorte d’idée « novatrice » qui permettrait de partager le risque entre tous les utilisateurs
C’est toujours difficile de défendre des valeurs et de laisser les marchands entrer dans le temple. Malheureusement notre activité n’attire pas encore les mécènes. S’il faut bien des sponsors, ils doivent rester à leur place. Les entreprises qui voudraient s’investir, pourraient rembourser une part directement au pratiquant mais de là à conceptualiser une licence, il y a un pas !
Ce type de licence reposerait donc sur la bonne volonté à l’acheter (rappelons la proportion actuelle 1 licencié pour 10 falaisistes). La FFME avec son concept de « RockClimber » explore cette direction mais se heurte pour l’instant à l’indifférence des pratiquants extérieurs.
Alors la rendre obligatoire ? C’est un autre scénario, il faudrait surement une volonté du ministère et une proposition de loi mais qui concernerait sans doute un peu toutes les activités de pleine nature dites à risque sans parler des contrôles pour la faire respecter ! Usine à gaz…
L’idée des états généraux prendrait ici toute sa valeur. Cette grande réflexion collective permettrait de mieux associer et préciser l’engagement des maires, des départements, du ministère et d’en déduire les tickets d’accès possibles pour le pratiquant: licence fédérale (FFME, FFCAM, FSGT…), vignette, assurance… ou accès gratuit ! Un beau chantier au sens noble !
La seconde question est celle de l’accès aux falaises sans conditions à des grimpeurs novices et incompétents en termes de sécurité, risquant de mettre en danger eux-mêmes voire les autres.
Certains ont soumis l’idée d’un permis d’escalade. Ce point à été balayé par le national ! Pourquoi ?
Notre conception de la liberté doit elle nous faire se réjouir quand on voit par exemple un papa au taquet assuré par son gamin trois fois plus léger ? Vaste débat !
Peut être faudrait-il encourager en interne les grimpeurs licenciés, qui pratiquent en individuel, à valider les quelques compétences nécessaires à la sécurité en site sportif. Cette sorte d’attestation simple et peu contraignante à obtenir, pourrait faire l’objet d’une vérification sur le terrain ou d’une validation d’acquis et établie par un président de club, un professionnel, un cadre fédéral en activité (initiateur SNE). Cette recommandation « appuyée » outre son intérêt direct pour éviter les accidents ferait tâche d’huile et inviterait tout pratiquant à maîtriser sa sécurité en site sportif. Qui peut souhaiter le contraire ? Cela rapprocherait les pratiquants des clubs de la FFME ou d’autres fédérations, d’élargir la base des licenciés et finalement de partager le risque. Ajoutons qu’un front commun des trois fédérations autour de cette question serait le bienvenu même si la FFME gère la très grande majorité des sites.
Il y a sans doute d’autres pistes, des meilleures peut être, des pires sans doute, ne doutons pas que la réflexion collective et le temps suffisant les fassent émerger.
En attendant, calmons le jeu, soyons honnêtes dans les critiques et faisons, chacun de nous tous, correctement notre job !
Cette turbulence aura permis aux comités territoriaux de se rapprocher et de constater qu’ils partagent les mêmes valeurs, c’est une force qui se met en route, pour cela croyons en des jours meilleurs
Claude Vigier, FFME Isère, guide et équipeur encore en activité, pour la rédaction
Co signataires (à noter que dans le laps de temps imparti, nous n’avons pu contacter tous les CT, nous leur présentons nos excuses)
Le comité territorial Isère de la FFME tient à s’exprimer à la suite du courrier adressé par Pierre You, Président de la FFME, concernant la dénonciation des « anciennes conventions » de gestion des sites d’escalade et de l’embrasement qu’il a suscité sur les réseaux sociaux et autres forums où de nombreuses personnes ont émis des avis tranchés, des jugements sévères, voire des procès d’intention sans vraiment connaître le dossier.
Le contexte :
Cette décision de remplacer les anciennes conventions a été prise suite à l’accident de Vingrau en 2010 et ne date donc pas d’aujourd’hui.
Elle vient d’être accélérée du fait de l’assureur qui devant les dédommagements à débourser bien supérieurs aux cotisations encaissées lance un ultimatum à la FFME en lui laissant 3 choix :
chercher un autre assureur
garder les anciennes conventions avec un surcout de 10€ par licencié pour cette année
dénoncer ces anciennes conventions et conserver la couverture pour les nouveaux contrats d’entretien passés par la FFME, moyennant un surcout de 3€ par licenciés
Le comité directeur de la fédération a choisi la 3ème option, ce qui semblait la plus raisonnable car la seconde aurait occasionné à chaque nouveau préjudice une augmentation identique voire supérieure, ce qui n’aurait pas été supportable à très moyen terme pour les adhérents qui auraient fini par fuir. Toutefois, ce choix très important aurait du faire l’objet d’un débat et d’un vote encore pour cette année lors de l’assemblée générale plutôt qu’être une décision unilatérale décidée dans le contexte très particulier du confinement.
Quant à la première solution, vu le passif « recettes-dépenses » actuel, elle aurait surement été bien plus défavorable pour un nouveau contrat.
Qui sommes nous :
Il est important de présenter Le CT 38 de la FFME pour ne pas laisser de doute sur notre intérêt pour les sites naturels d’escalade. Le CT de l’Isère fait partie des comités dont l’essentiel de leur activité est consacré à la gestion des sites naturels d’escalade (d’ailleurs ça nous est parfois reproché).
Nous avons un salarié dédié à cette tâche qui regroupe à la fois des actions sur le terrain, un très grand suivi administratif, règlementaire et un relationnel étroit avec les collectivités locales, les associations environnementales, les administrations des parcs et enfin tous les équipeurs bénévoles et clubs qui agissent sur le terrain dans ce domaine.
La gestion des sites naturels d’escalade représente également une part centrale dans le budget du comité.
Le collectif du comité est composé également de grimpeurs et ouvreurs qui ont consacré une très grande énergie à équiper les sites, favoriser le développement et la préservation de l’escalade en site naturel.
Nous ne pouvons donc pas être soupçonnés de nous désintéresser de ce sujet et de ne penser qu’à l’olympisme de l’escalade et la pratique en SAE.
Le CT 38 n’a jamais hésité à tenir un discours discordant face aux élus nationaux et à apporter sa contribution dans la réflexion générale autour de cette problématique des SNE.
Alors qu’en est-il vraiment ?
Les anciennes conventions qui ont permis en leur temps de développer l’escalade en site naturel ont démontré leur inadaptation actuelle face à la judiciarisation de l’accidentologie et la volonté affirmée de dédommager largement la victime quand la structure mise en cause est solvable. Rajouter maintenant de la jurisprudence défavorable qui se développe.
Les anciennes conventions libéraient totalement le propriétaire et attribuaient la garde de la « chose » au gestionnaire du site (la FFME) qui se voyait ainsi soumis à la règle de la Responsabilité sans faute. Le gestionnaire est donc responsable des dommages subis par la victime même si aucune faute n’a été commise, excepté pour les accidents qui résultaient d’une erreur flagrante du pratiquant et encore, la question lors d’un lâcher de corde en moulinette a été posée de savoir si c’était la corde qui était trop courte (faute du pratiquant) ou bien le relais trop haut (défaut d’équipement) !
Ainsi le jugement de Vingrau a condamné en appel la FFME à 1,6millions de dommages et intérêts sans même tenir compte des circonstances de l’accident dans lequel les grimpeurs avaient une responsabilité évidente. Deux autres affaires attendent leur jugement et risquent de mener au même résultat.
La FFME a donc réfléchi depuis quelques années et proposé un autre mode de gestion des SNE : la collectivité (commune, département…) prend ou conserve la garde du site et signe un contrat d’entretien avec un prestataire pour veiller à sécurisation du l’escalade. En l’occurrence, la FFME peut et veut jouer ce rôle par l’intermédiaire de ses comités territoriaux départementaux qui en ont les moyens et les compétences. Ainsi en cas d’accident, si la victime pense que les causes sont dues à un défaut d’entretien elle pourra mettre en cause la commune qui se tournera vers le prestataire. La faute, la négligence devront être avérées et prouvées sachant que :
le milieu naturel conserve par essence des aléas difficilement prévisibles
un défaut dans l’obligation de moyens devra être mis en évidence et relié aux causes de l’accident.
que l’obligation de résultat n’est pas un postulat au regard de l’incertitude qui caractérise les activités de pleine nature.
On se doute bien qu’il pourra y avoir des batailles en justice derrière les notions de « faute » « d’obligation de moyens » ou de « résultat ». Mais en attendant, finies les condamnations systématiques, rendant déraisonnable et inacceptable cette prise de responsabilité aveugle que représente aujourd’hui la garde d’un site pour la fédération.
Une piste encourageante sur le plan législatif :
Parallèlement un travail au niveau des responsables politiques a été fait pour faire évoluer la loi sur cette notion de « responsabilités sans faute » surtout autour d’activités qui sont qualifiées d’activités à risque et dans lesquelles le milieu, par définition, ne sera jamais complètement sécurisé. D’ailleurs le pratiquant accepte en toute conscience cette part de risque résiduel qu’il doit apprendre à gérer.
Ce lobbying auprès des élus de proximité a porté ses fruits. Il entrait en résonance parfaitement avec les préoccupations des maires dans leur commune, confrontés pour eux même à cette responsabilité sans faute dans maints domaines.
Un premier texte a ainsi été adopté par le sénat et porté à l’assemblée nationale. Il est resté bloqué et globalement enterré en l’état car certains députés de la majorité voyaient trop de désavantage pour les victimes.
Cet automne un second texte retravaillé a été de nouveau voté par les sénateurs et se propose de faire modifier la loi. Il est ou va être déposé devant les députés.
Rappelons la procédure générale d’élaboration d’une loi :
Proposition d’un texte de loi à l’assemblée nationale, inscription au calendrier, débat, vote en première lecture, retour au sénat (débats, amendements et vote), retour en 2ème lecture à l’assemblée nationale (débat amendements et vote), le conseil constitutionnel pourra émettre un avis qui, s’il est défavorable, enterrera le projet en l’état.
Ensuite, il faudra attendre plus ou moins longtemps les décrets d’application sans lesquels la loi reste dans le placard ce qui arrive assez régulièrement.
Si nous devons rester optimistes par rapport à cette évolution favorable de la loi qui répond aux besoins de nombreux élus mais nous comprenons bien que nous ne sommes pas du tout dans la même temporalité que l’ultimatum de l’assureur mais également il y a le risque d’un nouvel accident venant encore plomber un peu plus la situation de la FFME face à son assureur.
Dans le contexte sanitaire et économique actuel, la reprise d’une vie politique normale va se faire doucement et il y aura d’autres priorités sans doute, ce type de loi ne va pas faire l’objet d’une ordonnance et il faudra donc être patient.
La FFME est aujourd’hui accusée de ne pas assumer son rôle et globalement de baisser les bras, voire de se désengager des SNE.
Regardons les choses de plus haut !
Le site d’escalade un bien commun :
La fédération gère directement ou indirectement environ 2500 sites. Elle regroupe 100000 licenciés soit 1/10ème des pratiquants, estimés à plus de 1 million. La FFME ouvre les sites dont elle a la garde à tous ces pratiquants individuels ou institutionnels (scolaires entre autres).
Les sites naturels font donc partie du bien commun et à ce titre, c’est le rôle de la puissance publique que d’assumer la responsabilité juridique et même financière de ces équipements, ce qu’elle fait par ailleurs pour les autres sports. La fédération de natation n’a pas la garde des piscines et ne finance pas ses bassins olympiques !
Ce n’est donc pas la FFME qu’il faudra accabler, lorsqu’un maire refusera de signer un contrat d’entretien sur une falaise communale dont il ne veut pas assurer la gestion car il s’agira d’un choix politique.
Un nouveau modèle de gestion :
D’ailleurs la FFME a proposé en remplacement de ces conventions « toxiques », une gestion différente, qui fonctionne bien et dont les élus sont coutumiers (mise en place d’un contrat d’entretien avec un prestataire pour un équipement qui leur appartient comme un gymnase par exemple).
Il ne faut pas croire que d’assumer un contrat d’entretien est anodin et tout manquement aura les même conséquences juridiques que Vingrau, on ne peut donc pas parler de désengagement de la fédération qui aurait à verser des dédommagements similaires si elle ne faisait pas correctement son travail.
Certaines petites communes qui ont de grands sites, craignent encore trop de responsabilité pour leur taille. Il faudra faire du pédagogique auprès des élus, se faire aider sans doute par une collectivité plus grosse (Comcom, département, région) :
tout d’abord, l’augmentation de la cotisation de l’assurance en RC communale pour inclure un site d’escalade est très acceptable même pour une petite commune quant au cout annuel d’un contrat d’entretien par la FFME, il reste faible et souvent inférieur à 1500€, hors équipement initial qui a souvent été réalisé sur des financements associatifs.
En second lieu, les départements qui ont une obligation légale d’un PDESI, peuvent également se substituer à la commune et assumer le garde des sites, une communauté de communes peut également le faire. C’est juste une volonté politique ! En Isère le conseil département joue ce rôle pour quelques sites et envisage l’élargissement de cette procédure à d’autres falaises inscrites au PDESI.
Les sites actuellement sous l’ancienne convention :
En Isère encore, nous avons quelques sites sous anciennes conventions, d’autres sont en contrat d’entretien et enfin beaucoup de sites qui sont en accès libres mais n’ont pas de gestionnaire officiel. Dans la loi française, c’est le propriétaire qui en a la garde et est responsable. Peu de risque juridique pour un propriétaire privé qui bien souvent ne sait même pas qu’on grimpe sur son terrain, voire qui ne connait plus trop les limites de sa propriété, d’ailleurs, on pourrait estimer que l’escalade avant d’être interdite aurait du être autorisée pas le propriétaire ce qui n’est pas le cas bien souvent et il n’y a pas de jurisprudence en la matière, aucun propriétaire privé inquiété par un accident. Si un propriétaire installait une buvette au pied de sa falaise alors peut être se mettrait-il en difficulté en cas d’accident. Pour un privé qui voudrait se prémunir de tous risques juridiques potentiels, là encore la commune ou le département pourraient jouer l’interface.
Pour un propriétaire public à lui de décider s’il interdit l’accès, laisse l’accès ou autorise l’escalade officiellement et gère le site.
Les réactions des falaisistes :
Beaucoup de grimpeurs regrettent et critiquent le désengagement de la FFME par rapport à ces conventions toxiques et pensent que la FFME veut abandonner la gestion des sites. Ils attendent beaucoup de la fédération et en même temps, ils ne se licencient pas et ne s’impliquent pas ! – « tu viens demain à la manif pour les sites d’escalade ? » – « je ne peux pas, il fait beau, je vais grimper»…
Faut-il être catastrophiste ?
Non sans doute, par contre il ne faut pas lâcher prise, rester mobilisé et parler aux politiques ;
Tout d’abord, il faut croire en l’évolution de la loi qui va donner de l’oxygène aux maires et les rendra bien plus réceptifs à la mise en place d’une gestion des sites d’escalade avec contrat d’entretien, mais ça ne sera pas avant 2021 et peut être même pas durant cette mandature. Il faut continuer le lobbying auprès des députés.
Certains sites seront momentanément interdits, d’autres par contre resteront accessibles. Quoiqu’il en soit nous ne les déséquiperons pas car une solution de rechange est proposée pour leur gestion.
Il y a aussi des sites que nous devions abandonner car délaissés, certains d’entre eux ont fait l’objet d’une convention ancienne qui court encore.
La majorité des sites en Isère n’est pas (plus) concernée par ses anciennes conventions.
La nouvelle gestion fait son chemin et ne choque pas les élus lors de la création d’un nouveau site.
L’escalade représente un enjeu socio économique non négligeable surtout au niveau des territoires de montagne et de nombreux élus ne veulent pas la condamner en fermant les sites naturels, d’autant que l’investissement est faible et l’attractivité élevée.
Quelques points tout de même à réfléchir :
L’accès aux sites d’escalade, doit- il être assujetti à :
une licence, une assurance, une vignette ? pourquoi 100000 licenciés supporteraient-ils l’accidentologie potentielle de l’ensemble des pratiquants ?
La majorité des accidents en falaise résulte d’une faute ou d’une erreur de jugement du pratiquant. Au regard des conséquences de tels drames ne devrait-on pas réfléchir aux compétences minimum nécessaires pour grimper en site naturel (les salles d’escalade privées font signer un doc la dessus aux grimpeurs) ? Pour sa propre sécurité le grimpeur doit être responsabilisé.
En espérant que ces quelques lignes vous auront permis de mieux comprendre la problématique des sites d’escalade et de rester optimistes sur l’avenir de la grimpe en site naturel.
Pour le CT 38 FFME,
Claude Vigier, responsable de la commission « SNE »