Faut-il acheter les topos ?
A l’ère du numérique, des sites communautaires, de la circulation de l’information, il est relativement facile de se procurer le topo parfois exhaustif d’un site sportif, sans avoir à payer, à part son propre abonnement internet aux opérateurs (eux ils s’y retrouvent toujours …).
Il faut admettre que la possibilité de récupérer des informations rapidement de chez soi est une incroyable facilitation de la vie pour de nombreuses personnes un peu surbookées et en cela, c’est aussi un réel progrès.
Quelque soit le domaine, on trouvera en un temps restreint, à n’importe quelle heure : la météo pour organiser son week end, Mappy pour planifier son trajet, Blablacar pour en diminuer le cout, Booking ou Airbnb pour trouver un hébergement que l’on payera en ligne !
Certains d’entre nous iront sur les sites communautaires connus pour picorer des infos et des topos, voire télécharger la totale gratuitement… Lorsque c’est l’ouvreur bénévole qui met à disposition ses infos, il n’y a pas de problèmes particuliers, mais on assiste à des mises en ligne « sauvages » sans accord des ouvreurs qui découvrent souvent fortuitement le pillage de leur topo papier.
Il faut dire que les sites internet qui donnent accès à ce « tout gratuit » dans nos activités escalade/ montagne, trouvent assez facilement des collaborateurs très « généreux », prêts à donner les informations qui ne leur appartiennent pas, concernant une activité à laquelle ils n’ont pas participé, obtenant ainsi indirectement une petite notoriété fugace et une sorte de reconnaissance usurpée.
Cette appropriation outrancière est souvent justifiée par une vague idéologie du partage et d’une interprétation malhonnête et déviante du droit à l’information.
Alors bien sûr, ce texte va faire réagir certains qui qualifieront ces lignes de ringardes. Toutefois, il est facile de faire la différence entre le partage, l’échange d’avis, d’impressions, de conseils, de recommandations qui relèvent bien d’une plate forme communautaire, et la mise en ligne de topos complets concernant tout particulièrement des sites sportifs déjà répertoriés dans un topoguide édité et vendu par les acteurs de terrains. Les personnes qui semblent ne pas comprendre cette différence font preuve d’une « belle » malhonnêteté intellectuelle.
Alors outre les actions juridiques que certains auteurs envisagent de mener et qui pourrait faire qualifier de « vol » de propriété intellectuelle ce genre de pratique, notre démarche plus positive va être d’expliquer en quoi « acheter un topo » est une démarche vertueuse et citoyenne.
Faut-il acheter le topo à chaque fois que l’on va dans un nouveau site ?
Dans l’absolu, ça serait vertueux ! Dans la réalité, non sans doute, par exemple si votre venue est ponctuelle et que le topo « commerce » regroupe de nombreuses falaises dans lesquelles vous n’irez jamais. Sur place, vous aurez toujours la possibilité et l’avantage de rentrez en contact avec les locaux, de leur demander conseil, voire même de faire une photo du bout de secteur où vous voulez grimper et ainsi de créer du lien.
Aujourd’hui, les éditeurs de topo qui sont également des grimpeurs ont compris cela. L’arrivée d’opérateurs de vente de topos numériques permettra de mettre en ligne, pour un faible coût et parfois même gratuitement, certains sites ou secteurs. Cette tendance encore timide devrait s’accélérer dans les années à venir.
Le prix des topos se justifie-t-il ?
Si l’éditeur est aussi le gestionnaire des sites ( comme le CT38 FFME ) — c’est-à-dire qu’il en assume le développement, l’entretien/maintenance et tous les aspects administratifs et réglementaires — alors oui, d’autant que les topos de couennes regroupent souvent de nombreuses falaises voire toutes celles du département pour un prix situé dans une fourchette moyenne 25-30€, et cela reste acceptable.
Certains autres topos, au demeurant très bien faits, sont une part du business du tourisme de la grimpe « loisir » et sont vendus par des éditeurs qui ne sont pas en relation avec les équipeurs. Il serait préférable d’acheter le topo ( s’il existe ! ), plutôt que ces grosses compilations « étrangères » qui ne participent pas au financement local de l’équipement.
A quoi servent les produits de la vente ?
Comme vous pouvez le remarquer le prix de ZE TOPO a augmenté. Il faut dire que l’édition précédente était bon marché et que depuis 6 ans, il ne vous aura pas échappé que de nombreux couts ont augmenté. Nous devions répercuter ces hausses sur le prix de vente afin de conserver cette ressource financière indispensable à la gestion des sites par le CT38.
Grosso modo, un topo qui se vend à 1000 exemplaires par an sur 5 ans (chiffre moyen pour un topo départemental Savoie, Isère, Drôme) vendu à un prix de 25-27 € va rapporter, tout frais déduits, entre 8000€ et 10000€ par an. Ces revenus sont importants, car ils vont permettre à la fois de payer un peu de la masse salariale des agents de développement du CT 38 FFME, sur leurs missions « sites naturels », mais également d’acheter du matériel pour donner aux équipeurs.
Certains penseront que 10000€, c’est beaucoup! Ramenés aux 50 sites de cet ouvrage, c’est une moyenne de 200€ annuel par site, ce qui est bien en deçà des besoins réels, il suffira de lire un peu plus en avant le « coût des choses » pour en être convaincu.
En achetant le topo, le grimpeur contribuera donc à une part du financement de son terrain de jeu, mais profitera aussi largement des autres financements consacrés aux Sites Naturels par le CT.
Acheter le topo pour des sites dans lesquels on va passer une grande partie de ses loisirs serait la contribution minimum et citoyenne à consentir. C’est aussi montrer du respect aux équipeurs bénévoles en leur montrant que leurs ouvertures ont de l’intérêt et de la valeur.
D’ailleurs, les nouvelles générations comprennent cela assez aisément et sont souvent beaucoup plus réglos dès qu’ils en ont les moyens financiers.
A l’inverse, le grimpeur ne doit pas être considéré comme une vache à lait avec un prix de vente trop élevé, des rééditions trop fréquentes pour simplement quelques nouvelles voies.
Concernant notre topo :
Il passe de 19 à 27€, certains trouveront l’augmentation trop forte et crieront au scandale, alors parlons-en.
L’achat en souscription a été possible pour tous, une information large a été faite au niveau des clubs FFME ainsi qu’auprès des non licenciés. Par cette offre, nous avons ramené ainsi le topo au prix sans la commission du distributeur, soit 21€, ce qui représente alors une augmentation de 2€, que le rajout d’environ 80 pages avec la description de nouveaux sites, secteurs et voies pourra justifier.
A un prix en magasin de 27€, nous restons dans la zone raisonnable pour un topo fédéral regroupant une cinquantaine de sites. D’ailleurs autour de nous il est fréquent que ce type de compilation flirte avec ou dépasse les 30€.
Certains diront que nos falaises sont moins prestigieuses que certains sites plus au sud, certes mais l’entretien des falaises, le coût du matériel, l’obligation de sécurité restent identiques quelques soit la qualité de la falaise, d’ailleurs plus le rocher est beau et moins il y a de travail à faire pour l’équiper, ce n’est pas juste !!…
Nous assumons donc cette augmentation sachant qu’elle va permettre de mieux financer l’entretien des sites d’escalade et par cela vous permettre une pratique plus sure, plus agréable.
Le coût des choses :
Il est salutaire que le grimpeur ait une idée des budgets pour l’équipement :
• Perforateur : 500 – 800€
• 50m de corde statique : 60€
• Goujon /plaquette inox ou broche/colle :
environ 4.5€ le point
• Relais : 20€
• 1 longueur de 30m (14 points + relais) : environ 100€
• Ouverture d’une voie = 1 à 2 journées sur la corde
• Journée travailleur indépendant en équipement : 300€
• Journée salarié Ct 38 : 250 €
• 1 longueur = 1 à 3 jours d’équipement
(accès, nettoyage, purge, et pose de points)
• Bénévoles : 0€ mais le temps passé est le même
Amusez-vous à faire le calcul au regard de toutes les voies décrites ici, et de celles dont vous allez profiter, recensez les autres dépenses que vous consentez pour la grimpe (abonnements, matos, habits, déplacements, revues, bières … ) et replacez tout cela en face du prix du topo … Mais puisque vous lisez ce texte, c’est que vous avez certainement acheté le topo et qu’on prêche à des convaincus !
Merci donc.
Claude Vigier